ECLAIRAGE SUR LE CAS GBAGBO, PRETEXTE A UNE REFLEXION GENERALE SUR L'INNOCENCE JUDICIAIRE ET LA RESPONSABILITE. (Pierre Soumarey)

  • publiè le : 2021-05-09 15:47:14
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ECLAIRAGE SUR LE CAS GBAGBO, PRETEXTE A UNE REFLEXION GENERALE SUR L'INNOCENCE JUDICIAIRE ET LA RESPONSABILITE. (Pierre Soumarey)

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

La procédure pénale est très souvent confuse pour le grand public, pour qui un acquittement par une Cour Pénale (assise ou criminelle) revient à établir la preuve irréfutable de l'innocence de l'accusé, et peut-être aussi la marque que l'instruction n'a pas été conduite avec efficacité et diligence. Dès lors, dans l'esprit du public l'accusé a été détenu injustement. Il a été accusé à tort, etc...En réalité, ce n'est pas si évident. La réalité est beacoup plus complexe et nuancée que cela. C'est le cas du Président GBAGBO acquitté définitivement dernièrement à la CPI. Doit-il être considéré pour autant comme innocent et étranger à tout ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire durant la crise post-électorale ? Ou au contraire faut-il interpréter son acquittement comme une innocence qui n'a pas à être prouvée désormais ?

Cette confusion, relève de la méconnaissance de certains aspects du procès et des questions de droit qu'il implique, qui mieux compris, permettent de clarifier et de rectifier une interprétation simpliste fortement médiatisées que l'on veut bien donner à cette affaire, par ignorance, mauvaise foi, imposture ou encore volonté politique et aveuglement partisan. Chacun allant de sa conviction et de son argument.

Dans le cas de la décision concernant le Président GBAGBO, il ne fait aucun doute sur son innocence quant AUX CHARGES POUR LESQUELLES IL A ETE INCULPE, et SEULEMENT ELLES. En effet, ceci ressort des motifs pour lesquels il a été acquitté, indiquant les moyens de droit et de fait par lesquels a été écartée sa culpabilité. Les charges portées à son encontre non seulement se sont avérées insuffisantes, mais n'ont pas pu être démontrées, mieux, les éléments versés aux débats pour étayer l'accusation, ont parfois prouvé le contraire de ce qu'ils étaient censés prouver. Ainsi, on ne peut pas dire qu'il est GENOCIDAIRE, coupable de crimes contre l'humanité. Ici s'arrête son innocence telle que établie par la CPI.

Cependant, il est remarquable que les faits spécifiés dans le dispositif de la décision de mise en accusation ne font l'objet que d'une seule question : L'accusé a-t-il effectivement commis les faits qui lui sont reprochés. La seconde question relative au bénéfice de
l'irresponsabilité pénale n'a pas donc eu à se poser, tout comme celle de la RESPONSABILITE POLITIQUE. Cette dernière CAUSE n'a pas été évoquée, car la responsabilité indirecte et générale du politique est appréciée à l'aune de son niveau d'information et de décision dans un contexte de conflit, mais aussi des moyens prépondérants dont il dispose pour protéger les populations et faire cesser les massacres et autres atrocités. Autrement dit, le RESPECT DE l'OBLIGATION IMPERATIVE qui pèse sur lui en considération de sa fonction. Il s'agit de l'engagement de la responsabilité d'un Gouvernement et du chef de l'Exécutif devant la communauté nationale sur les actes de décision et de gestion qu'ils ont posé durant cette période de guerre civile et de la politique qu'ils ont menés pour entretenir ou sortir de cette crise, mais aussi dans le déclenchement de celle-ci, comme par exemple le refus de reconnaître le vedict des urnes ( pomme de discorde à l'origine du drame) au cas d'espèce qui nous occupe.
Au PROCES du Pdt (Empereur) Jn Bedel BOKASSA, celui-ci a d'entrée déclaré à la COUR qu'il ASSUMAIT GLOBALEMENT la RESPONSABILITE POLITIQUE de tous les crimes commis sous son REGIME, bien qu'il n'en soit pas l'AUTEUR DIRECT, le CO-AUTEUR ou le RESPONSABLE direct ( ordres ou directives). Dès lors, le TRIBUNAL n'avait à répondre dans ses motivations qu'à une seule question. Les crimes dont il est fait état ont ils bien existé et ont ils été bien perpétrés à l'initiative de quelques pièces du système ou par personnes interposées ou encore par l'intéressé lui-même ? A partir de là, les termes et les voies par lesquels est posé le probème de la RESPONSABILITE ( indirecte, pénale et politique) n'était plus une difficulté.
En revanche, dans le cas GBAGBO devant la CPI, la DIFFICULTE sur la manière d'appréhender la responsabilité est demeurée entière, malgré que le Bureau du Procureur se soit ravisé à deux reprises sur cette question, car en définitive c'est la CAUSE DE L'IRRESPONSABILITE PENALE qui a été retenue, avec la notion de CO-AUTEUR, qui induit une RESPONSABILITE DIRECTE dans la commission de l'acte. On peut observer à ce niveau que celui qui encouragerait ou susciterait sécrètement un acte criminel ne le mentionnerait sur aucun document. Il en dissimulerait plutôt les traces matérielles. L'accusation serait par la suite dans l'impossibilité de prouver la véracité d'une telle allégation, sauf coopération franche des témoins occulaires. Or, il manquait de nombreux sachants au Procès ( Du Pdt du Conseil Constitutionnel au Commandant de la garde Républicaine, de certains soldats clé en passant par le Pdt de la CEI) et les témoins de l'accusation étaient, soit HOSTILES soit ANALPHABETES pour pouvoir s'exprimer correctement et appréhender la stratégie de la défense afin d'éviter ses questions pièges.
Ainsi, on peut se livrer à des suppositions, des interpretations et à des doutes en cas d'acquittement, car on s'aperçoit bien à travers le fonctionnement du procès et la rationalité juridique qui la sous-tend, qu'INEVITABLEMENT DES COUPABLES PEUVENT ËTRE ACQUITTES, et pas seulement au bénéfice du doute.
D'ailleurs, il suffit que la REGLE de la culpabilité ou de l'acquitemment, telle qu'édictée actuellement ( majorité des juges) soit prescrite autrement ( unanimité des juges) pour qu'il y est plus de coupables et moins d'acquittés. En amenageant cette marge de sécurité, la procédure pénale a préféré endosser le risque que des coupables soient acquittés plutôt que des innocents soient condamnés. Il est donc une évidence manifeste que des accusés auraient été déclarés coupables si cette marge avait été différente. Ainsi, dans le cas GBAGBO l'avis dissident de l'un des juges a été ignoré dans la décision, conformément à cette norme du procès qui repose sur des considérations philosophiques générales du droit, qui protègent davantage l'innocence qu'elle ne traquent la culpabilité.
L'acquittement résulte également au cas d'espèce de l'ambiance des débats. Celle de la CPI était délérère à la longue. Beaucoup de questions inutiles, pour satisfaire à des conditions de forme, au detriment des questions de fonds. Ce formalisme excessif à nuit à la qualité des débats, au point que le Président du Tribunal de première instance s'en est agacé, à juste raison. Il a prolongé inutilement le procès au delà des delais raisonnables d'un procès équitable. Ensuite, il y a eu la survenance d'un disfonctionnement technique qui a fait totalement dérapé le procès en exposant les témoins qui devaient initialement déposer sous anonymat ( micro ouvert à une "closed session"). S'ils avaient pu conserver cette protection ( garantie de l'anonymat), le procès aurait pu être totalement différent ( abondance de révélations et de preuves). Enfin, le décalage culturel dans la compréhension du discours et des faits, l'existence de témoins hostiles et un bureau du procureur présentant des insuffisances criantes, ont créé un profond déséquilibre entre l'accusation et la défense au profit de cette dernière. Tout ceci a joué pour partie dans la décision, ainsi que l'environnement du procès qui a subi un véritable matraquage médiatique et des manifestations incessantes en vue d'influencer l'opinion publique et d'exercer une pression constante sur le juges, la perception de l'affaire et les témoins. Le PROCES s'est donc effondré avant son terme.
Dès lors, il est inapproprié et inexact de parler d'INNOCENTEMENT GENERAL. Il est plus juste de parler d'acquittemenent des charges dont il a été accusé devant la CPI, car il pourrait en avoir d'autres devant les juridictions nationales, si d'autres faits en lien avec la crise venaient à lui être reprochés. C'est ici qu'intervient à nouveau le politique pour clore ce chapitre, pour des motifs extra-judiciaires: la RECONCILIATION et la PAIX, et non en raison d'une INNOCENCE GENERALE, qui interdirait de nouvelle poursuites, comme une sorte d'IMMUNITE PENALE obtenue auprès de la CPI. Ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire avec son lot de morts, de blessés et d'exilés, n'est pas un REVE ou une simple vue de l'esprit.
auteur : Pierre Soumarey

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