Côte d'Ivoire: le «cri de détresse» du Conseil Café-Cacao pour que les multinationales paient les planteurs au juste prix

  • publiè le : 2022-11-17 18:29:56
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Côte d'Ivoire: le «cri de détresse» du Conseil Café-Cacao pour que les multinationales paient les planteurs au juste prix
La campagne de commercialisation du cacao bat son plein en Côte d'Ivoire. Mais le contexte semble compliqué : les organisations de planteurs de cacao constatent un « ralentissement » dans la vente de leurs produits. Après avoir boycotté une réunion de la World Cocoa Fondation à Bruxelles en octobre, le Ghana et la Côte d'Ivoire, qui produisent 65% de la production mondiale de cacao, dénoncent le non-respect des engagements pris par les multinationales qui, selon ces deux pays, ne paient pas les 400 dollars/la tonne de prime accordée pour mieux rémunérer les planteurs de cacao. La Côte d'Ivoire menace notamment de suspendre les agréments de durabilité auxquels les multinationales ont souscrit. Quelle issue à ce bras de fer ? Que se passera-t-il après cet ultimatum fixé au 20 novembre ? Yves Brahima Koné, le directeur général du Conseil Café Cacao en Côte d'Ivoire, est notre invité.

RFI : Le Conseil café-cacao a posé un ultimatum au 20 novembre aux multinationales pour qu'elles achètent les productions des planteurs, que va-t-il se passer après le 20 novembre ?

Yves Brahima Koné : Certaines multinationales ont commencé à apporter leur soutien à ce que nous avons demandé. Cette semaine, le groupe de travail a encore une séance de travail. Le Ghana, nous-mêmes, et puis il y a l'industrie, donc nous travaillons. Mais trois ans après avoir accepté le différentiel de revenus décent (le DRD) de 400 dollars la tonne, nous faisons le constat que le marché est de plus en plus réticent à payer le différentiel de revenu décent. Quand nos partenaires veulent acheter du cacao, ils nous disent : « Bon, le DRD de 400 dollars on va payer, mais la prime qui bonifie votre cacao, nous allons l'amener à -150, à -200 pounds la tonne », ce qui revient à dire qu'on diminue en fait le différentiel de revenus décent. Cette situation n'est pas tenable pour nous.

Est-ce que cette situation ne prouve pas finalement qu'il faut revoir à la baisse le différentiel si les multinationales ne sont pas capables de le payer ?

Elles sont capables de le payer : cette année la plupart des multinationales ont augmenté leurs profits de 8%, de 7% et de même plus. Est-ce qu'ils ne sont pas capables de payer ? Parce que quand vous regardez, le prix du cacao est très faible.

Le prix du cacao est faible parce qu'il y a beaucoup de cacao : est-ce qu'on ne produit pas trop de cacao par rapport à la demande ?

C'est le discours qu'on tient pour faire baisser les prix. On nous dit qu'il y a trop de cacao. Ça fait 4 ans que la Côte d'Ivoire a décidé de stabiliser la production de cacao à 2 millions de tonnes- 2,2 millions. On n'est pas allé au-delà. Donc c'est un discours pour faire baisser le prix, mais ça ne correspond pas à la réalité.

Jusqu'où êtes-vous prêt à aller dans cet ultimatum ?

Pour nous, c'est un cri de détresse, pour qu'on comprenne qu'on doit payer le planteur. Il y en a certains qui ont commencé à venir, à faire des contrats avec nous, j'espère que les choses vont aller dans la bonne direction.

De leur côté, les multinationales affirment qu'elles investissent énormément d'argent, et qu'au final, le cacao leur revient très cher...

Mais le cacao ivoirien est cher par rapport à quoi ? On vous dit, coût de production : plus une manne de 13%. Est-ce qu'ils ont trouvé un opérateur économique au monde qui vend sa marchandise moins chère que le coût de production ? Ceux qui vous disent qu'ils font des programmes de durabilité, qui viennent vous faire le bilan, vous verrez que c'est un bilan qui est très maigre. C'est plus de la communication qu'ils font, et ça ne correspond pas à la réalité. Ce qu'on vous dit dans les programmes de certification, le planteur parfois c'est 30 franc CFA qu'il touche. Ce sont des programmes qui n'apportent pas grand-chose à nos planteurs, et ça ne touche qu'un petit groupe de planteurs. Nous, nous voulons que l'ensemble des planteurs soient concernés par l'effort que le marché doit faire pour leur assurer un meilleur prix.

Est-ce que le DRD permet vraiment d'améliorer les revenus des producteurs ?

Il est évident que le cacao seul ne peut pas sortir le planteur de la pauvreté. Le planteur ne fait pas que du cacao. Nous demandons simplement que le planteur soit payé le juste prix. Il y a un coût de production et il a besoin d'avoir une marge, et il a besoin qu'on puisse lui donner un prix qui lui permette de couvrir ses coûts de production, c'est tout ce que nous demandons.

Vous menez ce combat de front avec le Ghana comme allié. Mais le Ghana vit une situation économique et financière très compliquée : est-ce que cela ne va pas jouer en votre défaveur ?

Le Ghana, je sais qu'ils ont des problèmes, comme tout le monde le sait, ils ont des problèmes économiques. Mais le planteur est une réalité, il a son produit et nous savons qu'ils ont fixé un prix qui est inférieur au nôtre cette année, je ne sais pas comment les choses vont se passer au Ghana. Mais nous travaillons toujours ensemble. Quand certains disent « le bras de fer » je n'aime pas beaucoup cette expression. Demain (vendredi, ndlr) nous avons une vidéoconférence avec l'essentiel des multinationales sur les questions qui nous concernent. Donc on continue de se parler parce qu'on veut aller vers des solutions qui arrangent tout le monde.

Pour l'instant dans l'initiative, vous êtes deux pays, le Ghana et la Côte d'Ivoire. Comment comptez-vous rallier d'autres pays à votre cause ?

Depuis que nous avons mis en place l'initiative Côte d'Ivoire - Ghana, d'autres pays veulent entrer dans l'Initiative. Les statuts et la Charte ne permettent pas de le faire. Mais la dernière réunion que nous avons eue du comité de pilotage à Abidjan, le Nigeria était là, le Cameroun était là. Ils sont là comme observateurs. Je pense que d'ici six mois, sans doute, ils vont faire leur entrée dans l'Initiative, et là nous ferons au moins 75% de la production mondiale.
source : RFI    |    auteur : Bineta Diagne

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