Cedeao : une organisation fragilisée par les troisièmes mandats

  • publiè le : 2022-10-03 09:52:59
  • tags : cedeao - organisation - fragilisée - troisièmes - mandats - actualités - international
Cedeao : une organisation fragilisée par les troisièmes mandats
La tolérance des troisièmes mandats par la Cedeao ou son incapacité à les conjurer à contribuer à fragiliser l'organisation et donné de la légitimité aux militaires à s'emparer du pouvoir. Cette situation est devenue un gros handicap pour l'organisation sous- régionale dont la voix ne sonne plus dans l'oreille des militaires dans les palais présidentiels.

De toute son histoire, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) n'a jamais autant été secouée. L'organisation vit une guerre larvée entre les chefs d'Etats élus et ceux arrivés au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat. Les premiers, décidés à faire mordre la poussière aux seconds de peur de subir le même sort que ceux qui ont été déposés par leur armée, utilisent l'organisation sous- régionale comme moyen de pression sur ces derniers avec les sanctions et embargo.

Quant aux seconds, ils jugent les autres maux fondés pour leur faire la morale. D'où est venue cette situation ? C'est la question que pourrait se poser celui qui découvre la politique dans cette zone du continent qui, quelques années en arrière, jouissait d'une certaine stabilité politique et institutionnelle contrairement à d'autres régions notamment l'Afrique centrale. La donne aujourd'hui est toute autre. L'Afrique de l'Ouest s'est inscrite sur la liste des mauvais élèves.

La faute à qui ? Nul besoin d'être diplômé des sciences politiques pour savoir que c'est l'incapacité de la Cedeao à faire barrage aux modifications fantaisistes des constitutions pour s'octroyer des mandats supplémentaires qui a fait basculer la sous-région dans l'instabilité et provoquées la fragilisation de l'organisation. D'ailleurs, l'expert indépendant Alioune Tine le dit sans langue de bois lorsqu'il affirme, « le 3ème mandat inconstitutionnel a contribué à anéantir l'autorité politique et morale face aux juntes militaires qui défient les chefs d'Etat de la Cedeao).

Ces propos de l'ancien président du Comité sénégalais des droits de l'homme et ancien directeur régional d'Amnesty international prend tout son sens dans la réplique du Premier ministre Malien au chef de l'Etat ivoirien lors de la 77ème session de l'assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies à New York le 24 septembre dernier. Répondant à Alassane Ouattara, qui conseillait aux autorités de la transition du Mali de mettre en « oeuvre des réformes politiques et institutionnelles en vue de l'organisation des élections en février 2024 », Abdoulaye Maïga à, dans une démonstration, indiqué que le chef de l'Etat ivoirien qui a modifié la constitution pour s'octroyer un troisième mandat n'est pas la personne indiquée pour faire la leçon sur ce genre de question.

Tout comme le gouvernement de transition du Mali, celui de la Guinée dirigée par le Colonel Mamadou Doumbouya n'entend pas se soumettre aux décisions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest qui vient d'ailleurs d'annoncer une avalanche de contre la Guinée comme cela avait été le cas pour le Mali. A la tribune de l'Assemblée générale des Nations Unies, le président Nigérian Muhammadu Buhari a reconnu la régression des acquis démocratiques en Afrique de l'ouest ces dernières décennies avec le retour des coups d'Etat, provoqués très souvent par les changements constitutionnels en vue de sauter le verrou de la limitation des mandats.

Ces manipulations douteuses de constitutions à l'approche des élections par les Présidents sortants pour se donner une nouvelle légitimité à être candidat à un mandat supplémentaire sont toujours des terreaux fertiles de crises que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest a géré avec complaisance. Devant l'incapacité de l'organisation devenue pour la circonstance le club d'amis des chefs d'Etat qui oeuvrent à préserver le « tabouret » d'un des leurs, les militaires s'invitent au débat. Quoi de plus normal quand ce sont eux qui sont utilisés pour casser toutes contestations venant du peuple.

C'est d'ailleurs ce que dit l'ancien président de l'Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly lorsque qu'il déclare sur son compte twitter, « les militaires qui sont utilisés pour mater les populations et imposer les 3ème mandats et autres violations des constitutions, comprennent bien que si c'est la force qui est souveraine, alors eux qui en sont les dépositaires légaux devraient tout simplement prendre le contrôle des Etats ». Au nom de l'amitié qu'ils ont tissé les uns avec les autres ou au nom du respect de la souveraineté des Etats, les chefs d'Etat de la Cedeao ont laissé germer la gangrène qui aujourd'hui toute la sous-région et fragilise l'organisation devant les hommes en tenue qui ont quitté les casernes pour les palais présidentiels.

La Cedeao aura beau bomber la poitrine et durcir les muscles, les militaires qui ne sont pas au pouvoir pour entreprendre des grands chantiers de développement n'ont pas grand-chose à cirer des sanctions et autres menaces. L'unique et vrai remède contre les coups d'Etat que la Cedeao doit utiliser c'est bel et bien de trouver des mécanismes pour imposer le respect des constitutions de sorte à mettre fin au prolongement des mandats présidentiels. Sans cela, les militaires seront toujours amenés à s'inviter au débat et refuser que des politiciens incapables de respecter leur serment leur fassent la morale. Comme le dira l'homme de la rue abidjanaise, « la Cedeao est son propre sorcier ».

L'heure est arrivée pour l'organisation de changer de paradigme en repositionnant son fusil d'épaule pour ainsi se donner l'image d'une structure dont la voix porte et peut être entendu. Cela passe par des réformes profondes et la limite contre les présidences prolongées au-delà de la limite constitutionnelle. La Cedeao, club d'amis, doit au cours de ces réformes, disparaitre pour donner naissance à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest des peuples. Une organisation qui, prend en compte et protège les aspirations profondes des peuples non celles des chefs d'Etat aux penchants dictatoriaux. Ce n'est faisant cela que l'organisation arrivera à se réconcilier avec les peuples et à retrouver du crédit.
auteur : Générations Nouvelles

A voir egalement

Publicité
Publicité