À Abidjan, Booba électrise le 15e Femua

  • publiè le : 2023-05-02 12:16:43
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À Abidjan, Booba électrise le 15e Femua
Si la venue du rappeur Booba en Côte d'Ivoire a suscité un engouement colossal, de nombreuses autres stars dont le Sénégalais Baaba Maal, se sont succédé du 28 au 30 avril sur scène pour la 15e édition du Femua. Un événement qui aborde aussi les questions sociétales.

De la musique à la géopolitique, la distance est parfois plus courte qu'on l'imagine. Au Festival des musiques urbaines d'Anoumabo (Femua), tout ne se passe pas sur scène. C'est même une des singularités, voire la valeur ajoutée, de cet événement piloté par le quatuor Magic System qui tient à redistribuer à sa façon et avec ses convictions les fruits de son succès international. Axé sur la sécurité alimentaire et l'agriculture durable, le thème de cette année avait évidemment une résonance particulière dans un contexte planétaire marqué par l'impact de la guerre en Ukraine sur le prix des céréales.

Ces enjeux-là préoccupent aussi Baaba Maal, l'une des têtes d'affiche du festival, animé par la même volonté d'agir chez lui : à Podor, ville nichée au bord du fleuve Sénégal, le chanteur récemment à l'écran et sur la BO de Black Panther : Wakanda Forever a mis "les pieds dans l'argile" pour initier un projet agricole "moderne" d'une cinquantaine d'hectares qui fédère la population locale et fait même école, avec l'appui de sa fondation Nann-K. Il a même opté pour le photovoltaïque, "comme ça, on est très loin du gazole et de tout ce qui pollue", ajoute-t-il.

Devant le public du stade d'Anoumabo, quartier d'Abidjan où il se produisait dans le cadre du Femua, le quasi-septuagénaire, reconnu dans le monde entier, n'a pas seulement donné une leçon de musique %u2013 quand talent, bienveillance et professionnalisme sont là, que demander de plus ? %u2013 ; il a également multiplié les adresses "à la jeunesse africaine", l'appelant "à ne pas courber l'échine, relever la tête et regarder droit devant".

Togo vibes

C'est justement l'état d'esprit de Santrinos Raphaël, programmé en ouverture de la deuxième soirée de concerts du Femua. L'avant-veille, le chanteur de 27 ans avait déjà fait une apparition sur scène à l'Institut français d'Abidjan, lors d'une soirée consacrée au Togo. À l'occasion, il y avait retrouvé "Papa" King Mensah, une figure expérimentée de la musique togolaise qui lui prodigue ses conseils et lui explique "à quel point il faut être patient".

Considéré comme l'un des espoirs de la musique dans son pays, l'auteur de Fiançailles et Maladie d'amour sait ce qu'il doit à la Côte d'Ivoire, connue de longue date pour son rôle de rampe de lancement : "Dès que j'ai mis le pied ici, ma carrière a décollé sur le plan international", assure-t-il, en référence à son duo avec la Béninoise Zeynab (Waa) en 2020.

Ses collaborations avec le Rwandais Yvan Buravan, rencontré à Lomé lors de sa tournée consécutive à son prix Découvertes RFI, ou encore le Ghanéen Stonebwoy, grâce à l'entremise du footballeur international Emmanuel Adebayor, ont un peu plus élargi le réseau du Togolais qui s'est produit au Burkina, au Gabon, au Bénin...

Le constat vaut aussi pour Safarel Obiang, dont la notoriété hors de sa Côte d'Ivoire natale résulte pour partie de l'invitation lancée par le Malien Sidiki Diabaté qui a abouti au morceau BKO-ABJ en 2019. Lors de sa prestation très attendue au Femua, menée tambour battant et débordante d'énergie, le trentenaire était entouré de ses danseurs réputés dont les saltos et autres sauts impressionnants assurent le spectacle.

Dans le monde du coupé décalé, il est présenté comme l'un des héritiers de DJ Arafat, mais souligne qu'il s'est toujours autoproduit depuis ses débuts discographiques en 2008. Celui qui a "failli être gendarme" pour satisfaire ses parents a d'abord fait ses classes dans les maquis d'Abidjan, prenant le micro pour des atalakus, ces animations vocales empruntées à la rumba congolaise et qui se sont acclimatées en terre ivoirienne.

Entre ces deux pays, la porosité qui existe sur le plan musical se retrouve dans le répertoire de certains représentants du zouglou ivoirien, tel qu'ils l'ont interprété en live dans le stade d'Anoumabo. À l'image des vétérans Zouglou Makers, de retour sous les projecteurs après le décès de leur chanteur principal en 2022, et de Roseline Layo, dont la chanson Donnez-moi un peu parue en 2021 lui a permis de devenir l'une des rares femmes dans ce milieu à bénéficier d'une solide notoriété %u2013 son concert bondé quelques jours plus tôt à Danané, près du Liberia et de la Guinée, en témoigne.

Adopté par la Côte d'Ivoire depuis qu'il y est venu à l'invitation du groupe de rap MAM au début des années 2000, le chanteur français de r'n'b Singuila, d'origine centrafricano-congolaise et panafricain de coeur, évoluait à domicile. D'autant que le "Docteur Love", du nom de son dernier album en date, s'est récemment illustré dans la minisérie Sin mise en avant par une marque de bière locale et qui imagine une suite à l'une de ses chansons phares, Aïcha.

Pour son quinzième anniversaire (les festivités avaient été annulées pour cause de Covid-19 en 2020), le Femua a décidément vu les choses en grand, en confiant la clôture de la deuxième soirée abidjanaise au Congolais Ferré Gola, avant de se délocaliser le lendemain dans la ville de Bouaké.

Booba Star

Mais l'incontestable star de cette édition aura été le rappeur franco-sénégalais Booba. Sa présence a déclenché une ferveur qui aurait pu en un instant plonger l'événement dans le chaos si organisateurs et sécurité n'avaient su gérer la situation. "Il y a 35 000 personnes ce soir", lance le Duc de Boulogne au micro, bouteille de champagne à la main, quelques minutes après la reprise de son show au milieu de la nuit, interrompu pendant près d'une demi-heure pour cause de débordements et problèmes techniques ("Gims a remis l'électricité", moque-t-il lorsque le courant revient).

Dehors, les rues sont bloquées par les forces de l'ordre. L'accès au site est impossible. Trop de monde. La tension est palpable, alimentée par quelques incontrôlables qui créent des mouvements de foule, tandis que le public est pressé sur les crash barrières.

En choeur, les spectateurs reprennent tout de même toutes les paroles des morceaux que l'artiste enchaine. Homme de clash et volontiers déclencheur de polémiques, il joue ce soir-là sur le registre de la fraternité, un drapeau ivoirien autour du cou, en appelant à ses côtés, son alter ego ivoirien Didi B.

Surtout, c'est au son de Zoo qu'il a fait son entrée en scène, un titre de Kaaris avec lequel le contentieux semblait impossible à régler depuis la bagarre de leurs clans respectifs dans un aéroport parisien en 2018. "Kaaris, c'est mon gars. Il faut le respecter, il est de la Côte d'Ivoire", tient à préciser Booba. Avec leur festival, les "magiciens" de Magic System réalisent une fois de plus l'impensable.
source : musique.rfi.fr

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