France: désacralisation du «tambour parleur» avant sa restitution à la Côte d'Ivoire

  • publiè le : 2022-11-08 07:31:48
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France: désacralisation du «tambour parleur» avant sa restitution à la Côte d'Ivoire
En France, le compte à rebours est lancé. Paris va prochainement restituer à la Côte d'Ivoire, un tambour à fente, le Djidji Ayokwe. Un objet unique, de 3,31 mètres et de 430 kilos qui appartenait au peuple tchaman et plus précisément à la communauté bidjan.

Qualifié de « parleur », ce tambour était plus qu'un instrument de musique, c'était un outil de communication. Il permettait à ce peuple de la région d'Abidjan de prévenir les villages lorsque les colons français venaient réquisitionner les populations. L'objet a été pillé par les Français, en 1916. Paris s'est engagé, l'an passé, à la restituer, mais avant son retour, une restauration est nécessaire. Pour permettre la restauration de cet objet sacré, une cérémonie rituelle était organisée, ce lundi 7 novembre, au Musée du Quai-Branly, en présence de membres de la communauté bidjan.

En déambulant vers la muséothèque où est actuellement exposé le tambour, les dix représentants de la communauté bidjan - dont trois chefs de village - ont d'abord entonné, à l'aide d'un cor et d'un tambour, des chants de guerre, comme le faisaient leurs ancêtres avant de partir au combat. Une fois arrivés dans la salle, la cérémonie rituelle a pu débuter.

Les membres de la communauté ont entrepris la désacralisation du tambour, en demandant à l'esprit qui est à l'intérieur de se retirer. Ils ont effectué sept fois le tour du Djidji Ayokwe, pour signifier le nombre de villages bidjan. Une libation a également été faite par le chef du plus ancien village bidjan, Cocody village.

Cette cérémonie était nécessaire pour permettre à des mains profanes de restaurer cet objet sacré. Sa base est en effet infestée par les termites. Et pour cause : le Djidji Ayôkwé est resté dehors, de 1916 à 1930, posé à même le sol dans les jardins de la résidence de l'administrateur colonial à Bingerville.

Une entreprise spécialisée va donc se charger de consolider le tambour et de le poser sur un socle, des travaux de restauration qui doivent débuter le 15 novembre prochain.

Processus de restitution

Ce retour du tambour parleur, Djidji Ayokwe, est donc préparé par les communautés bidjan du village d'Abidjan-Adjamé. Le tambour devrait leur être restitué en 2023. Bénédicte Savoy, historienne de l'art et co-autrice d'un rapport sur le patrimoine africain, revient sur les blocages qui ont, jusque-là, retardé ce processus.

Pendant 100 ans, les Européens ont surtout souffert d'un blocage psychologique. Il était pour eux pratiquement impossible de penser la restitution. Ce grand blocage-là est parti. L'autre blocage qui l'accompagnait qui était un soi-disant blocage législatif, c'est-à-dire que la France annonçait toujours l'argument de l'inaliénabilité des collections, de l'imprescriptibilité des spoliations. Ces éléments juridiques-là ont été annulés par une nouvelle loi qui a permis la restitution des 26 pièces de la République du Bénin. Pour le tambour, une loi doit aussi être votée au Parlement et dans la situation parlementaire actuelle en France, c'est une question de temps, probablement...

Côte d'Ivoire: la communauté Atchan prépare le retour du tambour Djidji Ayokwe

Par :
Bineta Diagne

En Côte d'Ivoire, les communautés de villages Atchan se préparent en vue du retour du tambour Djidji Ayokwe. C'est une pièce imposante, en bois, qui mesure 3,31 mètres de long et pèse 430 kilos : le tambour Djidji Ayokwe fut confisqué en 1916 par l'administration coloniale française et est actuellement conservé au Musée du Quai-Branly. Cette pièce devrait prochainement être restituée par la France aux communautés Bidjan. Un retour qui se fait en plusieurs étapes.

Le tambour Djidji Ayokwé est le bois sacré des Bidjan. Pour préparer son retour, les communautés Atchan procèdent à une libation. Un moyen d'apaiser toutes les tensions. « C'est un bois sacré, mystique%u2009», assure Jacques Inkoumou, conseiller du chef de village d'Abidjan-Adjamé. «%u2009Djidji Ayokwé possède toute la puissance de la panthère que les gens ont mise à l'intérieur. Si vous n'êtes pas initié et que vous allez contre ce bois mystique là, vous êtes tout de suite foudroyés par la puissance même de ce bois », affirme-t-il.

À l'origine, ce tambour servait de moyen de communication au peuple Atchan. Le son de ce tambour pouvait portant sur un rayon de 20 km, comme le souligne Beugré Mambé, le gouverneur du district d'Abidjan.

«%u2009Quand vous entendez le son, cela conduit à faire vibrer l'environnement et pour ceux qui sont en harmonie avec cette vibration, ils savent ce que cela veut dire. Djidji Ayokwé envoie des messages, envoie des vibrations, envoie des sons et c'est une façon de parler au peuple Atchan.%u2009»

Se réapproprier un pan de la culture ivoirienne
Plus qu'un instrument, le tambour Djidji Ayokwe était un objet important pour les peuples Atchan, explique Silvie Mémel-Kassi, ex-directrice de la Culture. «%u2009En 1916, il y a eu un affrontement à la suite du refus des autochtones de faire les travaux qui étaient imposés dans le traçage de la voie reliant Abidjan à Abobo Té. En termes de représailles, on a donc arraché ce tambour qui était aussi celui qui donnait le signalement du colon.%u2009»

Le départ du tambour a eu des conséquences sur la cohésion sociale de ces communautés. «%u2009C'était le tambour qui leur permettait de se retourner pour prendre les grandes décisions qui impactaient le cours de l'histoire de la communauté%u2009», rappelle Silvie Mémel-Kassi. «%u2009Dès l'instant où cet objet leur a été enlevé, chaque village s'est retrouvé isolé, il n'y a plus eu de concertation commune, il n'y a plus eu de retrouvailles. Aujourd'hui, quand vous allez au niveau du peuple tchaman, il n'y a pas de pouvoir central.%u2009»

À travers le retour de ce tambour, ces communautés espèrent pouvoir se réapproprier un pan de la culture ivoirienne.
source : RFI

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