Soumahoro Ben NFaly : « Publicité mensongère : les pharmacies sont concernées»

  • publiè le : 2024-02-02 10:32:54
  • tags : soumahoro - nfaly - publicité - mensongère - pharmacies - concernées» - actualités
Soumahoro Ben NFaly : « Publicité mensongère : les pharmacies sont concernées»
La cherté de la vie touche quasiment tous les pays. En Côte d'Ivoire, cela s'empire-t-il au fil des années ?

Les choses ont commencé à s'empirer à partir de la pandémie de la Covid-19. Parce qu'en Côte d'Ivoire, nous sommes des consommateurs et non des producteurs. Tout ce que nous consommons vient d'ailleurs. Ce qui fait que si ceux qui nous donnent à manger ont des problèmes, alors, nous avons des problèmes. Je veux parler de la Chine, de la France, du Japon, de l'Inde. Mais nous ne sommes jamais restés inactifs face à cette situation. Nous avons d'abord cherché à comprendre les différentes raisons des hausses. Ce n'est qu'après, que nous avons demandé au Gouvernement quelle subvention il pouvait apporter aux opérateurs économiques pour atténuer les coûts. Ce sont ces négociations qui ont conduit au plafonnement des prix.

Nous connaissons plusieurs formes de hausses. Le cas du sucre, par exemple, est différent...

Le problème du sucre est inacceptable et intolérable. Le Gouvernement a interdit l'importation du sucre pour protéger les producteurs locaux. Nous avons deux unités de production et l'une d'elles qui est à Bondoukou, est tombée en panne. Cela a conduit à une pénurie de sucre sur le marché. Ce que nous constatons, c'est que les producteurs locaux sont dans l'incapacité totale de satisfaire la demande nationale. La preuve : pour faire face à cette demande, les mêmes producteurs sont obligés d'importer le sucre. Ils changent ensuite d'emballages pour faire croire que ce sucre vient de la Côte d'Ivoire. Nous demandons donc au Gouvernement de ne pas interdire les importations de sucre. Il faut plutôt donner un quota aux importateurs, pour éviter qu'on paye le kilo de sucre à 1500 FCFA.


Pendant cette Coupe d'Afrique des nations, on a vu des gens faire de la spéculation avec les tickets. N'est-ce pas ce qui se passe très souvent sur le marché ivoirien avec les marchandises ?

Il est vrai que c'est une mauvaise habitude que nous avons. Cela s'est vu notamment avec le sucre. Des commerçants faisaient de la rétention, pour le revendre cher. D'autres vous obligeaient à payer du riz avant de vous vendre le sucre.

Y a-t-il des mesures pour régler ce problème ?

Le ministre du Commerce et de l'industrie nous a promis que le Gouvernement travaille pour régler cette situation. Je pense que dans le mois du jeûne musulman, le 11 mars prochain, nous verrons si la situation a été véritablement réglée. Parce que le sucre sera très demandé dans cette période.

Le Gouvernement vient de prendre une mesure pour interdire l'importation des produits vivriers, afin de lutter contre la cherté de la vie. Est-ce efficace ?

J'ai eu une rencontre avec des opératrices économiques du marché Gouro de Bouaké. Elles ont apprécié cette décision du Gouvernement, à cause de l'infiltration de certains opérateurs économiques étrangers dans les abords des champs pour acheter le vivrier. La conséquence, c'est que le marché Gouro de Bouaké n'est plus approvisionné. Ces femmes demandent donc que le Gouvernement redonne à ce marché, son statut d'antan. C'est une mesure qui a été prise le 10 janvier dernier. Ce week-end, en venant de Bouaké, j'ai vu des bananes plantains en abondance sur les abords des routes. Cela signifie que la mesure commence à porter ses fruits.

Cette mesure porte-t-elle préjudice à certains opérateurs économiques ?

On ne peut pas faire des omelettes sans casser des oeufs. Il y a des opérateurs économiques de la sous-région qui préfinancent des paysans ici, pour pouvoir acheter ensuite leurs produits vivriers et les revendre chez eux. Ces personnes ont des problèmes en ce moment, parce qu'elles ne peuvent pas faire sortir leurs marchandises. Mais ce sont les affaires.

En tant qu'association des consommateurs, avez-vous une influence sur la politique des prix de l'Etat ?

Oui, grâce à notre méthode. Car, nous avons décidé de ne pas nous adresser au Gouvernement dans les médias où sur les réseaux sociaux. Mais de le faire à travers des contacts directs. Nous avons eu des semaines de dures négociations avec les autorités pour pouvoir fixer les prix de certains produits que vous voyez sur le marché. Mais nous n'en parlons pas.

Pourquoi la Côte d'Ivoire ne dispose-t-elle pas d'assez de contrôleurs pour surveiller les prix?

Il n'y a que 300 contrôleurs sur l'étendu du territoire. Avant 1991, il y avait un nombre suffisant de contrôleurs, parce que c'est le Gouvernement qui fixait les prix des marchandises. Mais depuis, la Côte d'Ivoire a décidé de libéraliser son marché. Il est donc fait selon l'offre et la demande. À partir de là, c'est le consommateur qui devient son propre contrôleur. Mais cela ne signifie pas le désordre. Lorsqu'on constate qu'il y a de plus en plus de plaintes, des agents qui surveillent le marché, remontent les informations au Gouvernement, afin que des décisions soient prises. Toutefois, c'est au consommateur de choisir d'aller là où c'est moins cher. On n'a pas besoin de prévenir un contrôleur pour cela.

C'est quoi, la prochaine bataille pour les consommateurs ?

La bataille de cette année sera contre la contrefaçon et la publicité mensongère. Parce que la plupart des produits qui nous sont vendus en Côte d'Ivoire, sont de la publicité mensongère. Ce qui est écrit sur l'emballage n'est pas ce qui est à l'intérieur. Ce sera une bataille rude.

Quels sont les secteurs concernés ?

Tous les secteurs sont concernés. Vous avez entendu dernièrement Laurent Tchagba, ministre des Eaux et forêts, dire qu'à part la marque Awa, toutes les bouteilles d'eau minérale vendues en Côte d'Ivoire n'étaient que de l'eau potable. De nombreux secteurs sont touchés par ce phénomène qui consiste à leurrer le consommateur. Y compris les pharmacies.

Vous dites que certains des médicaments que nous payons dans les officines sont de la publicité mensongère ?

Certains médicaments, oui. Par exemple, les substituts de sucre contre le diabète. Les médicaments traditionnels que nous achetions dans les pharmacies ont disparu au profit de nouveaux produits qui ne nous apportent pas satisfaction, parce que c'est de la publicité mensongère. Avec le ministère de la Santé, de l'hygiène publique et de la couverture maladie universelle, nous allons monter aux créneaux pour épingler ces produits.

Vous avez une liste de médicaments concernés ?

Oui, une liste a été établie, selon les plaintes qui nous sont revenues. Je viens de vous donner un nom, mais plusieurs autres médicaments sont mentionnés, dont nous allons diffuser les noms au moment venu.

Si ces médicaments sont arrivés dans nos officines, c'est bien parce qu'ils ont reçu une approbation du ministère de la Santé. Comment allez-vous prouver qu'ils ne jouent pas leur rôle ?

Nos avons pris contact avec des laboratoires qui nous aideront dans cette tâche. Et nous, les consommateurs, avons décidé de porter plainte pour publicité mensongère contre tous ceux qui seront épinglés. A commencer par les entreprises qui fabriquent les bouteilles d'eau vendues.

Interview réalisée par Raphaël Tanoh
source : nordsud.info

A voir egalement

Publicité
Publicité